ORDRE DES AVOCATS DU BURUNDI : DECLARATION

vendredi 30 avril 2010,par Jean Bosco Nzosaba

ORDRE DES AVOCATS DU BURUNDI

Déclaration de l’Assemblée Générale du Barreau du Burundi

White Stone, 23/04/2010

L’Assemblée Générale du Barreau du Burundi, réunie dans une séance extraordinaire dans l’immeuble White Stone, en date du 23/04/2010, après avoir pris connaissance des récents développements sur la création de l’Ordre des Avocats de Gitega, a décidé de rendre publique la déclaration suivante :

1. Les avocats réunis dans l’Ordre des Avocats du Burundi constatent unanimement que le groupe d’avocats composés de Maître Raphaël GAHUNGU, Maître Simon NAHIMANA, Maître Déo NDIKUMANA, Maître Jean Bosco BIGIRIMANA, Maître Sixte SIZIMWE et Maître Alexandre NDAYIRAGIJE a saisi clandestinement le Ministre de la Justice pour solliciter la création de l’Ordre des Avocats de Gitega, à l’insu du Conseil de l’Ordre des avocats auquel ils appartenaient, et s’est ensuite engagé dans une campagne médiatique de diffamation du Barreau d’origine en lui collant publiquement des imputations divisionnistes.

2. Le Ministre de la Justice, a violé la Constitution de la République du Burundi, en créant un autre Ordre des Avocats, alors que l’article 159 tertio de la Constitution dispose clairement que l’organisation du Barreau est une matière du domaine de la loi et qu’elle ne reconnaît qu’un seul Barreau au Burundi.

Bien plus, il est allé jusqu’à autoriser aux six avocats la constitution d’un Barreau dans un ressort judiciaire où personne d’entre eux n’est résident, et a permis à certains parmi eux d’échapper aux poursuites disciplinaires dont ils étaient l’objet pour des fautes graves commises envers leurs clients ou envers les tiers.

3. L’ordonnance Ministérielle n°550/470 du 29 mars 2010 portant création de l’Ordre des Avocats près la Cour d’Appel de Gitega fait une amalgame entre le barreau et l’ordre des Avocats, le premier étant le regroupement de avocats issu d’un même ressort judiciaire, lequel établit en son sein, un Ordre, qui est l’ordre des avocats.

Ainsi, la création d’un ordre nécessite l’existence d’un Barreau de Gitega, dont la création est du domaine de la loi, c’est-à-dire de la compétence du Parlement.

Le Barreau de Gitega ne saurait être justifié sans que des avocats ne soient résidants de ce ressort judiciaire et soient en nombre suffisant pour élire un Conseil de l’Ordre de 10 membres qui à leur tour peuvent choisir parmi eux un Bâtonnier.

Le groupe de six avocats ne peut donc constituer un barreau n’étant pas résidant dans le ressort de la Cour d’Appel de Gitega, encore que parmi eux, il y a un stagiaire qui ne peut participer à la création d’un ordre.

4. L’ordonnance Ministérielle n°550/634/ du 09/04/2010 portant Coordination des ordres des avocats auprès des Cours d’Appels du Burundi n’indique pas qui coordonne qui et dans quelle matière. Elle vient plutôt instaurer un désordre dans l’organisation, la discipline et la déontologie de l’Ordre des Avocats du Burundi qui fonctionne sur des règles auxquelles tous les avocats ont souscrits et doivent se soumettre. Du reste, le Ministre de la Justice n’a aucun titre ni compétence pour s’ingérer dans la création ou l’organisation d’un ordre des avocats, matière qui n’est pas dans le champ d’action du pouvoir exécutif

5. L’Ordonnance n°15/2010 du Président de la Cour d’Appel, portant annulation de la Décision du Conseil de l’Ordre portant omission des avocats du Tableau de l’Ordre des Avocats a pour effet direct de remettre le groupe des six avocats dans un ordre qu’ils avaient eux même décidé de quitter alors que des avocats ne peuvent appartenir à deux ordres d’avocats à la fois dans un même pays. Ce qui est une méconnaissance profonde de la signification même d’un Ordre et n’a d’autre effet que de créer du désordre.

En annulant alors la décision d’omission de ces six avocats, le Président de la Cour d’Appel de Bujumbura fait que les six avocats se retrouvent dans deux ordres différents, Par ailleurs, le Président de la Cour d’Appel n’avait pas la compétence d’un tel acte, étant donné que la loi n°1/014 du 29 Novembre 2002 portant Réforme du Statut de l’Avocat précise que s’agissant d’un recours fait contre une décision du Conseil de l’Ordre, la Cour d’Appel statue collégialement et contradictoirement, en audience publique, avec la présence du Procureur Général près la Cour d’Appel, par une décision susceptible d’être attaquée en cassation. Ainsi le Président de la Cour d’Appel est incompétent pour décider seul d’un tel recours par simple ordonnance et sa décision doit être attaquée en annulation devant le Président de la Cour Suprême qui est son autorité hiérarchique directe.

6. La Cour Constitutionnelle vient de rendre un arrêt d’irrecevabilité sur la requête en inconstitutionnalité de l’article 81 de la loi sur la Profession d’Avocat. Pour ce faire, la Cour s’est permise de changer l’objet de la saisine en déclarant que le requérant avait attaqué l’ordonnance du Ministre portant création de l’Ordre des Avocats de Gitega, et que la loi ne permet pas d’attaquer un acte règlementaire, évitant ainsi, de dire le droit sur la demande lui soumise. Cet arrêt doit aussi être condamné devant les générations actuelles et futures car il a détourné et dénaturé unilatéralement l’objet de sa saisine et a fatalement statué ultra petita.

7. L’Assemblée Générale constate une très forte et persistante volonté à violer la loi et prend acte de cette tendance délibérée à perturber l’organisation du Barreau, et interpelle tous ses membres à poursuivre ses activités en toute sérénité, et de ne pas se laisser distraire par ces derniers événements.

8. En tout état de cause, l’Assemblée Générale a recommandé au Conseil de l’Ordre de poursuivre sans désemparer son action en annulation de l’ordonnance de Ministre de la Justice devant la Cour Administrative. Quant à l’inconstitutionnalité de l’article 81 de la loi sur la Profession d’Avocat, l’Ordre des Avocats du Burundi se réserve son droit intact et entier de relancer la requête y relative devant la même Cour Constitutionnelle en temps plus opportun.

Par tous ces motifs,

L’Assemblée Générale a recommandé et décidé ce qui suit :

1. L’Assemblée Générale a recommandé au Conseil de l’Ordre de clôturer rapidement l’instruction des dossiers disciplinaires en cours et de procéder aussitôt à la radiation des six avocats Maître Raphaël GAHUNGU, Maître Simon NAHIMANA, Maître Déo NDIKUMANA, Maître Jean Bosco BIGIRIMANA, Maître Sixte SIZIMWE et Maître Alexandre NDAYIRAGIJE de l’Ordre des Avocats du Burundi pour les graves manquements à la discipline et à la déontologie, ainsi que les fautes commises en constituant en cachette un autre Ordre des Avocats et en diffamant publiquement par la voie des médias, le Barreau auquel ils appartenaient.

2. De dénoncer et d’exiger l’annulation immédiate des ordonnances du Ministre de la justice portant respectivement création de l’Ordre de Gitega et coordination des Ordres, qui consacrent une ingérence inacceptable du Pouvoir Exécutif dans un secteur libéral et indépendant.

3. De saisir le Président de la Cour Suprême pour lui demander d’annuler l’ordonnance rendue par le Président de la Cour d’ Appel de Bujumbura.

4. De relancer en temps plus opportun l’action en inconstitutionnalité de l’article 81 esquivée par l’arrêt de la Cour Constitutionnelle.

5. De poursuivre sans désemparer l’action en annulation de l’ordonnance du Ministre portant création de l’Ordre de Gitega devant la Cour Administrative.

6. Rappelle à tous sa ferme détermination à respecter les lois et règlements du Burundi et plus spécialement la Constitution.

7. Demande au Pouvoir Exécutif de ne pas s’ingérer dans l’organisation interne du Barreau et de soutenir plutôt ses initiatives visant à en faire un corps réellement indépendant, à même de jouer son rôle de garant de la défense des droits de l’homme et de la loi.

8. Demande aux différents acteurs politiques, législatifs et judiciaires de contribuer positivement à la construction de ce pays en menant un combat acharné contre toutes les formes de violation de la Constitution, des lois et règlements du Burundi.

9. Lance un appel pressant à la Communauté nationale et internationale, les Organisations diplomatiques résidants au Burundi, la Société Civile, les partis politiques, aux Barreaux régionaux et internationaux amis, à se solidariser activement avec le Barreau Burundais pour fustiger et décourager cette malheureuse initiative du Ministre de la Justice qui vient déstabiliser l’institution du Barreau en violant froidement la Loi et la Constitution dans le seul souci de satisfaire un objectif caché et de créer par la même occasion un ordre inféodé à l’autorité politique où la rigueur et la discipline sont laxistes ou inexistantes.

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