ETAT DES LIEUX ES PARTIS POLITIQUES A LA VEILLE DES ELECTIONS DE 2010

mardi 22 septembre 2009,par Jean Bosco Nzosaba

« Le vent de liberté qui a soufflé à l’Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud. Il n’y a pas de développement sans démocratie et il n’y a pas de démocratie sans développement  » , déclarait l’ancien Président français, François MITTERRAND le 20 juin 1990 lors du sommet franco-africain de La Baule en France.

Prononcé au lendemain de la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, ce discours a inéluctablement marqué l’avènement du multipartisme en Afrique. Les régimes monopartistes africains, pour la plupart militaires, vont accepter l’éclosion d’autres partis et des élections démocratiques. Le Burundi a pris le train de cette vague de démocratisation en 1992 en adoptant à son tour le multipartisme. En 1993, les premières élections démocratiques, libres et transparentes seront organisées depuis son accession à l’indépendance. Dès lors, le multipartisme reste affirmé comme système politique en vigueur dans le pays. Jusqu’à la date de publication de ce rapport, le Ministère de l’Intérieur a déjà agréé quarante trois partis (cf. plus loin le tableau exhaustif des partis politiques au point II.2.2).

Compte tenu de ce foisonnement de partis politiques, il semble opportun de braquer les projecteurs sur leur fonctionnement, leurs visions et programmes à quelques mois de nouvelles échéances électorales. Bon nombre de partis politiques agréés ne sont plus guère actifs sur terrain. D’autres se disent victimes d’actes de sabotage (destruction des symboles et/ou des permanences).

Certains acteurs politiques notamment de l’opposition, déplorent aussi le fait que la police ou l’administration locale leur empêchent d’organiser des réunions à leur guise. Seul le parti présidentiel aurait le privilège d’agir tout à fait librement. Parallèlement, le Ministre en charge de la gestion des partis politiques n’arrête pas de les rappeler à l’ordre en fustigeant ceux qui se lancent précocement en campagne électorale.

C’est dans le souci de tirer les choses au clair que l’Observatoire de l’Action Gouvernementale a commandité une analyse sur « l’état des lieux des partis politiques au Burundi » jusque fin juillet 2009. Il s’agit d’observer en détails la structure de ces organisations, leur existence réelle en dehors des ordonnances d’agrément, leurs visions, leurs programmes, leurs rapports avec l’administration, leurs rapports entre eux, leur degré de respect de la loi qui les régit spécifiquement. Résume exécutif

1. En jetant un regard rétrospectif sur la genèse des partis politiques, on constate que, contrairement à l’occident, dans la plupart des cas, les partis politiques en Afrique étaient, au départ, des mouvements syndicaux. Par la suite, les leaders de ces mouvements syndicaux sont devenus, des responsables de partis politiques.

L’étude montre ensuite que, en Afrique, le passage du monopartisme au multipartisme peut se situer vers les années 1990. Et contrairement aux pays occidentaux où le multipartisme fut le résultat d’une évolution interne, l’adoption du multipartisme fut le fruit d’une pression externe.

2. Il convient de noter cependant que, le multipartisme au Burundi était déjà une réalité lors de la lutte pour l’indépendance, à la fin de la première moitié du 20ème siècle. Mais, avec la victoire de l’UPRONA en 1961, le Burundi passa au monopartisme quelques années plus tard. C’est avec le vent de démocratisation des institutions qui soufflait à partir de La Baule en direction de l’Afrique, que le Burundi retourna au système pluraliste.

La crise sociopolitique qui éclata en 1993, ne permit pas aux partis politiques de s’épanouir politiquement, puisque certains d’entre eux évolueront en mouvements rebelles, au moment où d’autres connaissaient des crises internes profondes de toutes sortes.

C’est avec l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation du 28 août 2000, que le multipartisme sera réaffirmé comme système politique au Burundi, et les principes de partage du pouvoir redéfinis.

En 2005, des élections démocratiques seront organisées et verront la participation de 35 partis politiques.

3. En ce qui concerne la situation des partis politiques burundais à la veille des élections de 2010, au 31 août 2009, le Ministère de l’intérieur a déjà agréé quarante trois partis politiques. Cette situation est jugée pléthorique dans la mesure où on ne voit pas de différences au niveau de leurs programmes.

Ces partis politiques évoluent dans un environnement qui n’est pas très favorable : les séquelles du conflit politico-ethnique n’ont pas encore disparu et les organes et les différentes structures de gestion des conflits ne sont pas encore mis en place. Néanmoins, ils disposent d’un cadre législatif propice à leur épanouissement, auquel s’ajoutent d’autres opportunités qui s’offrent à eux, quoi qu’un bon nombre de menaces guettent leur fonctionnement. Ils comportent bien évidement des forces qui leur permettront d’affronter les élections de 2010. Cependant les faiblesses qu’ils accusent devront être préalablement maîtrisées. La réussite des élections de 2010 dépendra aussi de l’amélioration des relations entre les partis politiques de l’opposition et celui qui gère le pouvoir 4. La situation organisationnelle et le fonctionnement des partis politiques burundais, tels que décrits dans cette étude, permettent de tirer quelques leçons à capitaliser. Il s’agit notamment de :
-  le recours obligé au dialogue ;
-  l’engouement pour la participation à la gestion de la cité ;
-  la prise de conscience des défis relatifs au développement.

5. L’étude permet aussi de mettre en exergue quelques défis qui devront être relevés en vue d’un bon fonctionnement de la démocratie. Il s’agit de :
-  la rupture avec les intérêts sectaires ;
-  la proscription de l’intolérance politique ;
-  la lutte contre l’impunité ;
-  l’éradication du mensonge ;
- la maîtrise des groupes affiliés aux partis politiques.

Le Burundi a trop souffert de plusieurs années de violence. Aujourd’hui qu’il tente de s’en sortir petit à petit, et fort de certaines expériences, doit avancer en matière de démocratie. Certaines anti-valeurs doivent être bannies, pour faire place plutôt aux valeurs fondatrices de la nation.

Conclusion et recommandations

Conclusion

De cette étude sur « l’état des lieux des partis politiques au Burundi à la veille des élections de 2010  », il ressort que le multipartisme comporte des avantages et des risques. Mais le Burundi a opté pour ce système pour ses avantages, bien qu’il ne remplisse pas toutes les conditions exigées, d’après dans le contexte décrit dans cette étude. Le multipartisme ne signifie pas seulement l’existence de plusieurs partis politiques. Il signifie aussi respect des principes démocratiques. Or, comme l’étude le montre, l’on constate qu’avant et après chaque élection, les vainqueurs ne se débarrassent pas des réflexes du monopartisme.

Alors que les erreurs du passé devraient servir de leçon la tendance est à la réédition de ces dernières. A l’approche de nouvelles élections, la situation qui prévaut dans le pays préoccupe tout le monde. Le parti présidentiel, le CNDD-FDD, cherche à occuper seul le terrain politique, et cela crée naturellement des frustrations chez les autres compétiteurs.

Certains des interlocuteurs dans cette étude ne s’empêchent de s’interroger si le pouvoir issu du parti CNDD-FDD a réellement la volonté d’organiser ces élections. D’autres prédisent une fraude massive et des violences de toutes sortes. Cette opinion tire sa source dans la façon dont l’administration à majorité CDDD-FDD et certains membres de ce parti se comportent au quotidien. Des intimidations, des menaces de morts, de l’intolérance politique etc., à l’égard de l’adversaire politique, sont enregistrés.

L’appel est maintenant lancé à tout le monde : au Parlement, au Gouvernement, aux Partis Politiques, à la Société Civile et à la Communauté Internationale. La pente doit être remontée afin de préparer les esprits de tous les Burundais. Les échéances électorales doivent être affrontées avec un espoir de vivre en paix avant, pendant et après les élections. Le Burundi a suffisamment souffert des maux de toute sorte, il est temps qu’il y mette un trait, pour s’asseoir et penser le développement de ses enfants.

Quelques recommandations

Au Gouvernement

 Faire respecter la neutralité dans l’administration et dans les corps de police tel que prescrit par la Constitution ;  Prévoir dans les textes législatifs burundais le statut de l’opposition ;  Prendre des sanctions à l’encontre de ceux qui utilisent les moyens de l’Etat pour les activités de Partis politiques ;  Poursuivre le désarmement de la population civile afin de prévenir l’insécurité avant, pendant et après les élections ;  Faire montre d’une volonté politique d’organiser des élections démocratiques réellement transparentes et apaisées à travers le respect du compromis et de la parole donnée ;  Mettre à la disposition de la CENI les textes électoraux et les moyens nécessaires à temps, afin de lui permettre de travailler et d’organiser les élections dans les délais ;  Rappeler à l’ordre les autorités administratives à la base qui violent les libertés de réunion et d’association consacrées par la Constitution et d’autres lois régissant le pays.

Au Parlement :

 Exercer une pression sur le Gouvernement pour qu’il apprête les textes électoraux le plutôt ;  Adopter des textes réellement porteurs de transparence et de stabilité dans notre pays ;  Contrôler le suivi des lois par le Gouvernement.

Aux partis politiques :

 Respecter la loi et les principes démocratiques qui privilégient la tolérance, la compétition loyale et le respect du verdict populaire ;  Pendant la campagne électorale, préparer les membres à toutes les alternatives, à savoir la victoire et la défaite ;  Concevoir et exécuter des programmes qui tiennent compte des préoccupations quotidiennes de population.

Au Conseil National de la Communication :

 Assurer l’accès équitable aux médias publics ;  User d’impartialité dans la régulation des médias.

A la Commission Electorale Nationale Indépendante :

 Eviter toute manipulation politique visant à fausser le jeu électoral.

A la société civile :

 Ne pas céder aux intimidations de certains politiciens aux intérêts inavoués ;  Contribuer à l’éducation électorale de la population pour la préparer à opérer un choix judicieux et s’impliquer activement dans le monitoring du processus électoral ;  Travailler en synergies en vue de contrer d’éventuelles fraudes électorales ;  Ne pas se laisser obnubiler par les discours démagogiques des politiciens.

Aux Confessions religieuses :

 Contribuer à l’éducation et civiques des fidèles ;  Eviter la manipulation des politiciens qui peuvent transformer les lieux de culte en espaces de mobilisation politique.

Aux partenaires du Burundi :

 Continuer à soutenir le Burundi pendant cette période cruciale du processus de paix ;  Soutenir financièrement les prochaines élections.

Aux citoyens burundais

 Rester vigilant et refuser toute sollicitation qui va à l’encontre des valeurs démocratiques ;  Refuser le recours à la violence dans la compétition politique ; Ne pas céder aux discours démagogiques de certains politiciens

 

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