ETUDE SUR L’EVALUATION DES POLITIQUES DE REDUCTION DE PAUVRETE

mercredi 20 mai 2009,par Jean Bosco Nzosaba

L’Observatoire de l’Action Gouvernementale (OAG), commanditaire de l’étude intitulée : « ANALYSE DES POLITIQUES ET PROGRAMMES DE REDUCTION DE LA PAUVRETE  » , avait fixé à l’étude le mandat suivant : i) Etablir le diagnostic de la situation de pauvreté au Burundi à l’aide des indicateurs communément utilisés ; ii) Décrire les mécanismes économiques qui sont à la base de la situation de pauvreté décrite en montrant les chaînes de causalité ; iii) Analyser de manière critique les programmes et politiques de lutte contre la pauvreté mis en œuvre ; et iv) Proposer un modèle alternatif susceptible de pallier à cette situation.

Après une séance de présentation du mandat de l’étude et de discussion sur la méthodologie, il s’est dégagé que l’étude suivrait le plan suivant :
  Diagnostic de la pauvreté au Burundi ;
  Analyse des déterminants économiques, politiques et sociaux de la pauvreté au Burundi ;
  Analyse des politiques et programmes de réduction de la pauvreté mis en œuvre au Burundi ;
  Les écueils à éviter et quelques pistes à explorer dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Burundi.

Le rapport de l’étude établit les constatations suivantes :
  Tous les indicateurs et mesures de la pauvreté font ressortir une situation déplorable à tous égards : la production par habitant est une des plus faibles de la planète. Ceci entraîne entre autres la non couverture des besoins fondamentaux (alimentation, soins de santé primaires, éducation de base,…) pour une grande partie de la population. En conséquence, l’Indice de Développement Humain (IDH) et toutes les mesures de la pauvreté humaine et monétaire présentent une situation peu enviable.
  Au Burundi, la situation de pauvreté tire les explications aussi bien dans la sphère économique que dans le domaine social et politique. Structurellement, elle est notamment liée aux facteurs économiques suivants : la faiblesse de l’épargne et de l’investissement, la dépendance de l’économie burundaise à l’égard des financements extérieurs, la dépendance du pays à l’égard du secteur primaire dans un pays surpeuplé, la persistance de l’inflation néfaste pour les revenus fixes. Conjoncturellement, la pauvreté au Burundi qui s’est aggravée ces dernières années est le résultat de la crise socio-politique déclenchée en 1993 et de la sécheresse devenue endémique.
  Les plans et programmes de développement mis en œuvre par les différents Gouvernements du Burundi indépendant visaient aussi l’amélioration des conditions de vie de la population et, partant, cherchaient à réduire la pauvreté. Trois types de politiques et programmes ont été conçus et mis en œuvre sur la période considérée : les plans quinquennaux de développement économique et social (PQDES), les programmes d’ajustement structurel (PAS), le cadre stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté (CSLP). La politique de planification a été abandonnée parce qu’elle était considérée comme expansionniste et génératrice de déséquilibres par les principaux bailleurs de fonds qui, à leur place, ont proposé les programmes d’ajustement structurels (PAS). Ces derniers furent rapidement décriés pour leurs effets sociaux et furent abandonnés parce que leurs promoteurs ont fini par constater que l’objectif d’assainissement des économies dans les PSD afin que ces derniers puissent payer leurs dettes était devenu irréalisable pour la plupart d’entre eux. Pour que les dettes abandonnées puissent profiter aux pauvres, les pays industrialisés membres du G8 ont proposé aux institutions de Bretton Woods d’assister les pays éligibles à l’Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) dans l’élaboration des Documents de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP).
  La promotion de la micro-finance pour faciliter l’accès au crédit en faveur des exclus du système bancaire classique, la généralisation des activités non-agricoles génératrices de revenus et la promotion de l’urbanisation ont été signalés comme pistes à explorer en vue de la réduction de la pauvreté. De même, les écueils à éviter dans la mise en œuvre des programmes de lutte contre la pauvreté sont indiqués. Il s’agit notamment de l’approche dogmatique des problèmes de développement et de lutte contre la pauvreté, de la limitation des consultations de la population aux phases d’élaboration du CSLP ainsi que les mesures lancées sans concertation et études préalables.

A l’issue de ces analyses, les recommandations suivantes ont été formulées :
  La mobilisation concertée et résolue de tous les intervenants en matière de lutte contre la pauvreté est indispensable. L’Etat doit donner l’exemple en affectant la majeure partie de ses ressources à cet objectif noble. Les ONG doivent progressivement se désengager de l’assistance humanitaire vers les projets de développement dans lesquels la population joue un rôle plus important. Les bailleurs de fonds internationaux doivent faire preuve de plus de générosité et atténuer les conditionnalités de leurs interventions. Tous les intervenants doivent privilégier l’approche consistant à « apprendre à pêcher plutôt que donner du poisson  ».
  L’orientation de tous les programmes et projets de développement dans la voie devant favoriser la réconciliation et la recherche de la paix. En particulier, les projets de réinsertion socio-économique des sinistrés de la crise doivent privilégier les activités de travail en commun pour les personnes d’origines diverses afin qu’elles apprennent à vivre ensemble, à partager les joies et les peines.
  L’épargne intérieure étant très limitée, la dette extérieure ayant dépassé le seuil tolérable depuis longtemps, le Gouvernement devrait mettre en place le plus rapidement possible un dispositif institutionnel adéquat et créer un environnement propice à l’investissement direct étranger qui créerait l’emploi et les revenus pour la population active en chômage réel ou déguisé.
  La nécessité de promouvoir les activités génératrices de revenus autres qu’agricoles mais aussi l’urbanisation afin de libérer les espaces cultivables. De même, il faudrait concevoir et mettre en œuvre une politique foncière qui favorise l’accès à la terre pour les agriculteurs qui ne font que cette activité et ne peuvent être plus rentables ailleurs. I. Introduction

Le Burundi met en œuvre depuis un certain nombre d’années des politiques et programmes de lutte contre la pauvreté. Les politiques de lutte contre la pauvreté en cours sont conçues dans le « Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP)  ». Ailleurs, ces derniers portent le nom de « Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté et de Croissance (DSRP).  »

Les stratégies de croissance économique et de réduction de la pauvreté actuellement promues s’inspirent de l’Initiative pour les Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) qui a été mise en place depuis dix ans déjà à la suite de l’échec des Programmes d’Ajustement Structurels (PAS). Ces derniers avaient vu le jour au début des années 1980 et se fixaient comme objectifs de rétablir les équilibres macro-économiques et de relancer la croissance économique saine et soutenue.

D’après les analyses des institutions de Bretton Woods à l’époque, les déséquilibres constatés étaient le résultat des politiques budgétaires expansionnistes et, dans la sphère monétaire, des politiques de répression financière qui avaient cours dans la plupart des Pays en Voie de Développement (PVD). Toutes les deux politiques étant dues, selon ces analyses, à l’interventionnisme de l’Etat dans l’économie.

Cette intervention de l’Etat se manifestait notamment dans les entreprises publiques qui occupaient pratiquement tout le paysage économique. Celles-ci avaient été créées, pour la plupart, à l’époque où le courant dominant considérait que le développement ne pouvait passer que par la planification décennale ou quinquennale ; le rôle moteur étant joué par l’agent économique « Etat  ».

Les considérations émises ci-dessus montrent que les politiques et stratégies de réduction de la pauvreté ne datent pas d’il y a dix ans quand l’Initiative pour les Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) a été lancée. En fait, l’on pourrait considérer que les politiques et stratégies de lutte contre la pauvreté ont été lancées à l’époque des indépendances des pays anciennement colonisés qui, pour la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, sont intervenues dans les années 1960.

Le travail s’articule en quatre chapitres :

Le premier chapitre cherche à établir un diagnostic de la situation de pauvreté au Burundi à l’aide des indicateurs de développement communément utilisés et, autant que faire se peut, en établissant des comparaisons avec les pays ciblés d’Afrique sub-saharienne. A cet effet, nous avons consulté les bases de données et les rapports d’enquêtes socio-économiques récentes. Aux fins de comparaison avec les autres pays, il a été nécessaire de nous référer notamment aux rapports du PNUD et de la Banque Mondiale.

Le deuxième chapitre s’efforce de décrire les mécanismes économiques qui sont à la base de la situation de pauvreté en montrant les chaînes de causalité. A cet effet, le niveau de quelques indicateurs macro-économiques est présenté afin de proposer les explications de la situation de pauvreté décrite dans le précédent chapitre. La documentation de base à ce niveau est constituée par les rapports sur l’Economie Burundaise du Ministère de la Planification du Développement et de la Reconstruction Nationale (MPDRN), les rapports annuels et les bulletins mensuels de la Banque de la République du Burundi (BRB).

Le troisième chapitre analyse de manière critique les programmes et politiques de lutte contre la pauvreté mis en œuvre. Afin de ne pas limiter l’analyse aux stratégies et politiques en cours, celles prônées à travers les PAS et celles contenues dans les Plans Quinquennaux de Développement Economique et Social (PQDES) seront rappelées et brièvement commentées.

Le quatrième chapitre indique les pistes à explorer et les écueils à éviter pour que les programmes conçus et les actions prévues dans le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) aboutissent à un meilleur résultat que les stratégies et politiques antérieures pour l’intérêt des populations pauvres et la crédibilité des leaders politiques et de la société civile qui se sont impliqués dans la préparation du CSLP.

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