MIGRATIONS

La comp ?tition mondiale va doper les migrations/Infosud

vendredi 19 décembre 2008,par Jean Bosco Nzosaba

D’ici 50 ans les pays riches vont connaître une pénurie de travailleurs, alors que la population active d’Afrique va tripler. Comment gérer la "fuite des bras" ? Le rapport 2008 de l’Organisation internationale pour les migrations élabore des scénarios Isolda Agazzi / InfoSud - Après la fuite des cerveaux, la fuite des bras ? C’est ce que suggère le dernier rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). “En l’absence d’immigration, la population en âge de travailler dans les pays développés devrait reculer de 23 % d’ici à 2050, affirment les auteurs du rapport. Dans la même période, la population active pour la seule Afrique devrait tripler, passant de 408 millions de personnes en 2005 à 1,12 milliard. La Chine et l’Inde, quant à elles, constitueront probablement 40 % de la main-d’œuvre mondiale d’ici à 2030.  » La raison ? Une globalisation qui a oublié l’un de ses principaux piliers. La libéralisation des capitaux, biens et services a déchaîné une concurrence féroce. Mais l’ouverture des frontières ne s’est pas accompagnée d’une mobilité équivalente de la main d’œuvre. Si bien que les pays industrialisés, qui manquent déjà de travailleurs qualifiés, vont aussi connaître une pénurie croissante de main d’œuvre peu ou pas qualifiée. Qui, souvent, est moins bien acceptée. Pourtant, le phénomène est inéluctable : l’OIM reconnaît que les travailleurs locaux sont de moins en moins disposés à s’engager dans des secteurs faiblement ou moyennement qualifiés comme l’agriculture, la construction, l’hôtellerie et la restauration, ou les soins à domicile. Et la baisse du taux de natalité et le vieillissement de la population active dans les pays riches ne vont rien arranger à la situation. Droits des travailleurs migrants et de leurs familles La Suisse est-elle prête à faire face à cette nouvelle mobilité mondiale ? « La Suisse fait déjà partie des pays qui comptent le plus grand nombre de migrants, relève Roman Cantieni, porte-parole de l’Office fédéral des migrations. Nous connaissons un système d’admission duale. Grâce aux accords de libre circulation avec l’Union européenne, l’économie suisse peut compter sur un réservoir de main d’œuvre qui devrait couvrir les besoins à moyen et long terme. Et avec l’entrée en vigueur de la loi sur les étrangers, le 1er janvier 2008, la Suisse peut recruter sur des marchés tiers les spécialistes qu’elle ne trouve pas sur le marché national et européen.  » Mais l’OIM va plus loin. Il préconise aussi de protéger convenablement les droits des travailleurs migrants et de leurs familles, tant sur leur lieu de travail que dans leur vie quotidienne. Une allusion à peine voilée à la Convention internationale sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles, en vigueur depuis juillet 2003, qui octroie presque les mêmes droits aux travailleurs réguliers qu’aux clandestins. Mais qui, à ce jour, n’a été ratifiée par aucun pays du Nord. La Suisse refuse d’ailleurs ouvertement de le faire, malgré les recommandations de l’Algérie, l’Egypte, les Philippines et le Guatemala lors de l’Examen périodique universel de juin 2008. « Les droits fondamentaux s’appliquent à toutes les personnes migrantes, qu’elles soient en situation régulière ou pas, souligne Jean-Philippe Chauzy, porte-parole de l’OIM. L’accès aux soins de santé est important, surtout d’ailleurs pour les irréguliers. Dans une perspective de santé publique, on ne peut pas se permettre d’ignorer toute une partie de la population.  » Les travailleurs étrangers discriminés en Suisse ? “La nouvelle loi sur les étrangers renforce la position juridique de la main d’œuvre nouvellement établie, continue Roman Cantieni. Le regroupement familial de ressortissants d’Etats tiers qui ont trouvé un emploi a été facilité et il n’est plus nécessaire d’obtenir une autorisation pour changer de travail. La nouvelle loi met l’accent sur l’intégration de la population étrangère résidente, grâce à des mesures comme l’apprentissage de la langue et l’accès à la santé  » Ce n’est pas l’avis d’Ueli Leuenberger, président des Verts suisses : “La nouvelle loi a créé deux catégories d’étrangers : les Européens et les autres. Ces derniers sont discriminés sur le marché du travail et pour le regroupement familial. C’est d’autant plus absurde qu’une partie d’entre eux vont devenir demain des Européens ! Mais pour les ressortissants d’Afrique, Amérique latine et Asie, la discrimination est très importante.  » Reste que la fuite des bras, après la fuite des cerveaux, pose un véritable problème aux pays en développement. Leur priorité est donc la création d’emplois au niveau national, même si un nombre croissant de ces pays recherche sur le marché international un débouché à leur chômage chronique « On ne sait pas encore quel va être l’impact de la crise économique sur les migrations, continue Jean-Philippe Chauzy. Certains pays, comme l’Italie et l’Espagne - où le secteur de la construction a été fortement affecté - sont devenus moins attractifs et les transferts d’argent des migrants à leur famille restée au pays vont diminuer. Mais la migration fait partie de la mondialisation de manière structurelle. Ce n’est pas juste de vouloir fermer la porte aux migrants parce qu’il y a un ralentissement économique. Les flux vont peut-être baisser temporairement, mais ils vont continuer.  »

 

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