GUERRE AUX SYNDICATS EN AFRIQUE

Des syndicats l ?galement r ?prim ?s en Afrique

vendredi 21 novembre 2008,par Jean Bosco Nzosaba

Le Rapport annuel sur la liberté syndicale dans le monde montre qu’en Afrique, la situation empire. La Guinée est en tête de liste. Outre la répression, des méthodes plus subtiles sont utilisées, comme des modifications législatives limitant les activités syndicales.

"La liste des pires pays en termes de violence antisyndicale et de répression s’allonge au lieu de diminuer" : tel est le constat sec et froid dressé par la Confédération syndicale internationale dans son Rapport annuel sur les violations des droits syndicaux pour 2007*, publié le 20 novembre. Et l’Afrique est directement concernée : la Guinée et le Zimbabwe rejoignent le Swaziland dans la liste des pays traditionnellement cités comme prédateurs des droits syndicaux. La Guinée a, en effet, frappé fort en 2007. Le chapitre Afrique du rapport indique d’emblée : "Dans plusieurs pays gouvernés de façon antidémocratique, les syndicats ont payé très cher leur engagement à vouloir défendre la cause des travailleurs et des travailleuses. C’est sans conteste en Guinée que le bilan est le plus lourd." Durant la grande mobilisation sociale de début 2007, "la répression policière a été féroce". Le décompte officiel a fait état de 129 morts, dont 30 syndicalistes. "Des dizaines de responsables syndicaux ont été battus et arrêtés. Rabiatou Diallo (ndlr : la première femme africaine dirigeante d’une confédération syndicale internationale) et Ibrahima Fofana, les deux principaux dirigeants de l’Intersyndicale, le groupement à l’origine de la grève, ont échappé à la mort de justesse." Au niveau mondial, la Guinée se classe d’ailleurs en deuxième position de ce sinistre palmarès, derrière la Colombie.

Des licenciements en masse.

D’autres pays africains ne sont pas en reste. Au Zimbabwe, dénonce la CSI, "le régime de Robert Mugabe s’est montré intraitable envers les syndicats. Des centaines de grévistes ont été suspendus, des dizaines d’autres ont été licenciés, battus et arrêtés. La moindre velléité de mobilisation suffisait à déclencher une répression implacable, comme en janvier, lorsque 22 femmes de mineurs ont été arrêtées parce qu’elles avaient tenté d’organiser une manifestation pour obtenir des hausses de salaire pour leurs maris." Outre la Guinée et le Zimbabwe, le Rapport annuel signale également des assassinats de syndicalistes en Éthiopie et au Mozambique et des emprisonnements au Maroc. Assassinats, violences, arrestations… sont des méthodes classiques de lutte contre les syndicats et les travailleurs qu’ils représentent. Mais il en est d’autres, pas toujours spectaculaires, mais tout aussi dommageables. Les licenciements collectifs, par exemple, qui "ont pris parfois une ampleur massive : des centaines de licenciements lors de la plus importante grève de l’histoire post-apartheid en Afrique du Sud (en décembre 2007, ndlr), 1 000 mineurs renvoyés (de la mine d’or de Bulyanhulu en octobre 2007, ndlr) par le groupe canadien Barrick en Tanzanie et jusqu’à 34 000 grévistes saqués le même jour par un gouverneur au Nigeria (de l’État d’Oyo en septembre, ndlr)." Selon la CSI, "en défiant les autorités pour défendre leur cause, beaucoup de travailleurs se sont exposés à des violences policières et à des sanctions injustes. Cela a notamment été le cas au Burkina Faso, au Cameroun, en République démocratique du Congo, en Guinée-Bissau, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie, en Namibie et en Ouganda."

Le mauvais exemple chinois Plus subtile, parce que dotée d’un vernis officiel, est la mise en œuvre de nouvelles réglementations restreignant légalement les activités syndicales, notamment en élargissant la notion de "services essentiels", des secteurs dans lesquels la grève est interdite. De tels dispositifs "ont été institués dans 15 pays, au mépris des Conventions de l’Organisation internationale du travail, principalement en Asie mais aussi au Tchad, au Ghana, à Madagascar, à Maurice, en Tanzanie…" Une des explications de ces atteintes croissantes à la liberté syndicale réside, selon le rapport, dans "le phénomène récent des investissements massifs et des offres bradées d’exécution de grands projets par la Chine." Ces activités sont souvent réalisées, au moins partiellement, par une main-d’œuvre importée de ce pays, qui est employée à des conditions largement inférieures aux normes minimales. "Ceci, ajoute la CSI, pose le double problème d’une plus-value qui s’avère négligeable pour la population locale et d’un nivellement vers le bas des droits et des conditions – déjà précaires – des travailleurs et des travailleuses dans les pays en question." Une autre cause, plus globale celle-là, est "la concurrence féroce (…) entre les pays et les entreprises pour avoir part aux marchés d’exportation", qui exerce une forte pression sur les marchés du travail, les conditions de travail et les droits des travailleurs. "La tendance dans le monde entier s’est orientée vers un amendement de la législation du travail en vue d’attirer les investissements", conclut la CSI. La crise financière actuelle ne va sans doute pas arranger les choses.

 

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