Rapport d’observation de la gouvernance dans la commune de MUGAMBA

mardi 23 avril 2013,par Jean Bosco Nzosaba

Résumé exécutif.

En cette période de grandes mutations dans plusieurs pays du monde, nées de certains choix de démocratisation, force est de constater que les attentes ne sont pas pleinement satisfaits. Au BURUNDI, comme dans bien de pays, particulièrement en AFRIQUE, l’enthousiasme suscité par les perspectives d’un meilleur avenir et d’un meilleur épanouissement, pouvait-il être satisfait au rythme actuel de réponses aux innombrables attentes ! Autant la venue du citoyen-acteur particulièrement sur le plan politique donne une première grande satisfaction populaire, autant la question du timing nécessaire pour l’apprentissage et la maîtrise des processus démocratiques reste posée, pour autant que le succès dépende d’une combinaison de tous ces facteurs. L’OAG, en commanditant une étude de la gouvernance en commune de MUGAMBA au cours de la période allant de juillet à novembre 2012, il était évident que l’attention serait dirigée sur la mise en œuvre des recommandations de la précédente étude conduite sur la période de janvier 2011 à mars 2012, dans les aspects où cela était possible. Etant donné le partage assez large des fruits de ce travail, l’appropriation s’en trouvait déjà être un pas appréciable. Il est alors évident que sur plusieurs plans, la maîtrise de nouveaux réflexes compatibles avec l’option organisationnelle efficiente comme processus dynamique est en cours et que les manifestations d’intérêt des uns et des autres sont évidentes. Si sur le plan politique, la cohabitation entre acteurs est harmonieuse et que le rythme imprimé pour arriver à une gestion multi-acteurs harmonisée est remarquable, malgré quelques difficultés, il en est autrement sur le plan économique. En politique, les obstacles qui n’ont pas jusque là arrêté le processus sont généralement liés au parasitage de réalités extérieures et à la limitation de l’autonomie des organisations locales. C’est le cas à l’UPRONA où la cacophonie à BUJUMBURA semble avoir perturbé le cadre de MUGAMBA. Sur le plan de l’organisation administrative, ce contexte qui, d’un côté invite les citoyens à formuler leurs attentes pendant que de l’autre, la recherche de nouveaux équilibres est partiellement atteinte, force est de constater certains signes d’insatisfaction. Ainsi, la rigueur dans le payement de certains services de la commune, désormais autonome, est parfois mal accueillie par la population. De même, dans cette commune de MUGAMBA les procédures peu transparentes comme attendues dans les recrutements au niveau de certains services déconcentrés (santé, éducation), les horaires de travail capricieux, etc. provoquent aussi des commentaires de déception au sein de la population. A MUGAMBA, l’organisation de la production reste un des aspects qui focalise moins d’attention que les duels politiques de ces derniers mois. Pourtant la satisfaction des besoins sans cesse croissant ne saurait avoir lieu sans son amélioration. Faut-il signaler que l’agriculture et l’élevage, activités essentielles de la population de MUGAMBA, comme partout ailleurs dans le pays, tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui gardent des marges de progression importantes ! Juste en inversant les pratiques actuelles et en remplaçant les semences de mauvaise qualité utilisées par des semences sélectionnées, en préparant mieux le sol qui les accueille, etc. Bien au-delà, les récoltes pourraient être mieux protégées des charançons, et pour finir, le travail de la terre deviendrait plus gratifiant, et attirerait davantage les jeunes. Un manque d’un grand intérêt est également manifeste au niveau des biens communs, comme les infrastructures routières, les adductions d’eau,… dont la gestion en bon père de famille est encore un vœu pieux ; ce qui aurait évité la perte du fruit de travaux qui ont coûté énormément en investissements tant humains que matériels. Sinon, faute d’une meilleure rentabilisation, la mobilisation tout azimut et l’engagement remarquable de nombre de ressortissants de MUGAMBA pour certains travaux d’intérêt commun risque à la longue de conduire au découragement. Sur le plan social, l’école et la bonne santé sont les nouvelles exigences, en quantité et en qualité. Une question partiellement résolue si on laisse de côté les standards ambitieux, dans la mesure où nombre d’infrastructures qui ont été construites ou qui sont en chantier pêchent par le souci de gérer d’abord les pénuries. Ici, comme partout au BURUNDI, pour ce qui est de l’enseignement, on oublie alors les exigences d’une fine préparation d’une jeunesse appelée à vivre dans un environnement beaucoup plus concurrentiel et beaucoup plus exigeant. Dans biens d’endroits, non seulement le surpeuplement n’est plus une source de préoccupation, mais aussi le matériel didactique ne fait plus référence que très rarement aux produits de laboratoire à l’usage des apprenants ou aux livres pour élèves. Evidement, il devient impossible de penser à un approfondissement de la matière au-delà de l’apport de l’enseignant en classe. La même approche quantitative semble de mise dans la répartition des centres de santé presque au niveau de chaque zone. Malgré tout, les distances à parcourir restent souvent importants, compte tenue de la superficie de la commune, et le déficit en qualité n’émeut pas outre mesure une population quelque peu résignée, qui se contente d’aller trouver ailleurs un service de meilleure qualité.

Par contre, en attendant la concrétisation des instructions du conseil communal, les choix ne sont pas nombreux au niveau du service d’Etat civil et les désagréments causés par les mauvaises performances exaspèrent la population de MUGAMBA qui le place dans les 2 premiers choix de services qui méritent une profonde transformation. Il faut dire que la population reste sur sa soif au sujet des performances des services de la justice ou de l’Etat civil. En effet, une des aspirations profondes de la population de MUGAMBA se trouve être l’exigence d’une société plus juste et plus équitable. Visiblement, les efforts dans ce sens ne sont pas encore parvenus à bout des réticences observées, liées aux doutes sur la capacité des hommes de droit de s’élever aux dessus des positions partisanes et de s’impliquer corps et âme sans intéressement, même si de telles accusations ne sont étayées.

Enfin, dans cette commune jadis à fort taux de scolarisation, le suivi d’un cursus scolaire qui permettait d’échapper aux travaux très durs des champs ne constitue plus du tout une immunité contre le chômage. Plutôt, certains diplômes sont à tel point dévalorisés que les lauréats des lycées pédagogiques par exemple attendent plus de 10 ans sans qu’ils trouvent un hypothétique employeur. Et dans les emplois disponibles, cet aspect mérite d’être soulevé : les hommes sont systématiquement préférés au détriment des femmes pour les rôles de managers dans les établissements d’enseignement, dans les centres de santé, dans les fonctions administratives. La promotion de militants de choc au sein des partis politiques au cours de ces dernières années y a largement contribué.

Pour capitaliser alors les chances de réussite afin de rattraper le retard pris dans le développement, faudra-t-il alors consolider une synergie des acteurs, chacun des acteurs clés, à commencer par le Gouvernement, s’engageant à :
  Soutenir constamment les entités décentralisées sans une ingérence néfaste.
  Déterminer la quote-part des entités décentralisées dans le budget national.
  Prendre en charge et à orienter certaines questions d’enjeu national, tel l’enseignement, la santé et l’agriculture pour une meilleure planification en fonction des besoins locaux. Conseil communal
  Plaider pour une meilleure redistribution des moyens de l’Etat.
  S’investir constamment dans la détermination, la recherche des moyens et la mise en œuvre des priorités de la commune.
  Aider l’autorité communale dans la recherche des bailleurs de fonds de la commune. Administration
  Adopter de meilleures stratégies de sensibilisation de la population pour la sauvegarde des acquis, particulièrement les infrastructures publiques.
  Chercher des bailleurs de fonds pour les chantiers à venir.
  Faire un encadrement de proximité de certains agents de l’Etat.
  S’investir dans la recherche et l’application de méthodes avancées de production, particulièrement dans l’agriculture et élevage. A la justice
  Tenir constamment la population informée des démarches en cours en cultivant la transparence.
  Décourager les manœuvres dilatoires Aux partis politiques
  Adopter un code d’éthique et s’engager à le respecter
  Aider dans l’encadrement de la population, en prenant soin de ne pas confondre avec les recrutements Aux forces de défense et de sécurité.
  Refuser d’être instrumentalisées
  Adopter des attitudes d’une force de défense et de sécurité républicaine. A la population
  S’impliquer davantage dans la gestion en bon père de famille des acquis, notamment des infrastructures publiques
  Eviter les pertes de temps dans les procès interminables

0. Introduction générale.

0.1. Contexte et justification Dans le cadre de la promotion de la gouvernance au niveau local, l’Observatoire de l’Action Gouvernementale, OAG, a mis en place un noyau d’observation de la gouvernance au niveau de la commune de MUGAMBA depuis le début du mois d’avril 2011. En avril de l’année suivante, sur base des données collectées par ce noyau, un apport consolidé d’observation de la gouvernance portant sur la période allant de janvier 2011 à mars 2012 a été élaboré. Au vu de la situation qui prévalait à l’époque sous étude en commune de MUGAMBA, il avait été recommandé de corriger les déséquilibres dans les postes de responsabilité, en tenant compte de la dimension genre, d’accorder des promotions sur des bases objectives et non d’allégeance aux partis, d’accélérer la décentralisation des communes, y compris sur le plan financier. A l’adresse du gouvernement, une insistance particulière concernait la dotation de livres, de produits de laboratoires et de bancs-pupitres aux écoles ; de mettre en avant les compétences et l’expérience dans la nomination des responsables à la tête des directions scolaires. A l’adresse du gouvernement également, il avait été recommandé de payer à temps et en intégralité les factures dues à l’application de la mesure de la gratuité des soins de santé pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes qui accouchent afin de ne pas ruiner les structures de santé, etc. C’est donc dans le souci d’apprécier l’évolution de la situation de la gouvernance par rapport aux recommandations contenues dans le rapport précédent que le présent rapport est élaboré. 0.2. Objectifs de l’étude 0.2.1. Objectif global. Cette étude vise à contribuer à la promotion d’une gouvernance politique, administrative, économique et sociale dans la commune de MUGAMBA. 0.2.2. Objectif spécifique L’objectif spécifique est de :
  Faire une analyse approfondie des aspects de la gouvernance politique, administrative, économique et sociale qui caractérisent la gestion de la commune de MUGAMBA. ;
  Dégager les évolutions par rapport aux constats du dernier rapport ;
  Dégager des forces et des faiblesses de la gouvernance au niveau de la commune de MUGAMBA ;
  Analyser les écarts entre les textes législatifs et réglementaires et les décisions prises, ainsi que les actions menées par les autorités en matière de gestion des affaires publiques ;
  Faire des propositions de solutions pour asseoir une gouvernance juste et démocratique au niveau de la commune de MUGAMBA ;
  Proposer un plan de suivi des principales recommandations.

0.3. Résultats attendus Ils peuvent être résumés sous ces 2 aspects :
  Une analyse portant sur les écarts entre les textes législatifs et réglementaires et les décisions prises, ainsi que les actions menées par les autorités locales en matière de gestion des affaires publiques ;
  Des propositions de solutions visant à asseoir une gouvernance juste et démocratique au niveau de la commune de MUGAMBA

0.4. Méthodologie

L’approche privilégiée a été dans un premier temps, de dépouiller la documentation essentielle disponible à l’OAG et de mener des entretiens de sondage avec quelques personnes clés dans le dispositif politique et administratif de la commune de MUGAMBA. Ceci a constitué un préliminaire à l’élaboration d’un guide d’entretien, qui a été enrichi par les membres du comité de pilotage. Dans la démarche qui a suivi, nous avons focalisé notre attention particulièrement sur quatre sources que nous avons estimées indispensables :
  L’entretien avec le président du conseil communal et le noyau local d’observation de l’OAG pour nous donner un avant goût du train-train de vie quotidienne de la population de MUGAMBA
  L’exploitation des documents de politiques à MUGAMBA, le manuel de procédures administratives et financières des communes, le PCDC, le PIA, etc. ainsi que les autres écrits comme les différents rapports d’observation sur MUGAMBA
  La découverte limitée mais très instructive de la réalité sur les collines et des relations interhumaines lors d’une visite de terrain de 4 jours.
  Les entretiens avec les acteurs de premier plan dans l’administration, l’enseignement, les services de santé, les syndicats, ainsi que de simples gens. Vers la fin de chacune des 3 parties constitutives de l’étude, le souci a été de vérifier et de proposer, selon nous, le degré d’atteinte de certains objectifs : la dynamisation d’une société multi acteurs, la disponibilité de services là où ils sont demandés, le degré d’organisation de la production et les innovations proposées, et enfin le sentiment de bien être.

0.5. Brève présentation de la commune de MUGAMBA. De part sa situation géographique, la commune de MUGAMBA se trouve dans la province méridionale de BURURI, dans sa partie Nord-Ouest. D’une superficie de 300,80 km2 avec une population de plus de 81.263 habitants, MUGAMBA est entourée au Nod par la commune de GISOZI, à l’Est par BISORO, au Sud par les communes de MATANA, SONGA, BUYENGERO, et BURAMBI, et à l’Ouest par MUKIKE, BUGARAMA et MUHUTA. Sur le plan administratif, la commune de MUGAMBA est subdivisée en 6 zones (Kibezi, Muramba, Nyagasasa, Kivumu, Vyuya et Mwumba) et 30 collines de recensement, elles-mêmes subdivisées en 125 sous-collines . La population vit essentiellement de l’agriculture ; activité de plus de 90% des habitants. L’élevage de prestige y est aussi pratiqué. 0.6. Articulation du rapport Trois principales parties composent la présente étude : un chapitre sur la gouvernance politique et administrative, un deuxième chapitre sur la gouvernance économique et sociale et enfin un chapitre sur la justice, les libertés publiques et les droits humains. Pour permettre une vue assez large de l’objet de notre étude, une brève présentation de recommandations de la précédente observation est systématiquement proposée au début de chaque chapitre, pour mesurer le degré d’appropriation des recommandations. Vers la fin de chaque partie, un angle d’analyse englobant un nombre très réduit des forces et faiblesses de la gouvernance est proposé, pour faciliter la saisie du niveau d’atteinte des principaux objectifs. Enfin, une conclusion générale et des recommandations permettent de comprendre l’étendue du chantier en vue d’asseoir une meilleure gouvernance dans la commune de MUGAMBA.

 

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