Transparence dans les recrutements des personnels

lundi 25 mars 2013,par Jean Bosco Nzosaba

Transparence dans les recrutements des personnels

Au lendemain de la publication, à Bujumbura, du rapport d’analyse sur la transparence dans les recrutements des personnels de l’administration publique et parapublique, l’OAG, a organisé, les 21 et 22 mars 2013 aux chefs-lieux des provinces de Ngozi et Gitega, deux ateliers de restitution de cette même analyse. Ce document révèle des réalités qui méritent des mesures urgentes de la part des pouvoirs publics, sinon demain, ce sera trop tard. Concernant l’administration publique, cette analyse constitue une contribution de plus qui interpelle davantage les pouvoirs publics sur certains phénomènes qui s’observent dans le recrutement des personnels des secteurs public et parapublic, puisqu’une étude portant sur « La problématique du recrutement dans la Fonction publique  » avait été commanditée en 2009 par le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et de la Sécurité Sociale, sur financement de l’Institut de Développement Economique (IDEC). Cette étude a été complétée par une analyse intitulée « Problématique de l’équité dans l’accès à l’emploi public au Burundi : Une question fondamentale de Gouvernance  ». La présente analyse est donc une appréhension de la situation actuelle en matière de transparence dans l’administration publique et parapublique. Elle se base sur le cadre légal existant et les réalités telles qu’elles ont été relatées par des personnes qui les vivent d’une manière ou d’une autre. Après avoir fait référence à la Charte africaine sur les valeurs et les principes du service public et de l’administration et à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Burundi, l’analyse s’intéresse au cadre légal qui régit les recrutements des personnels dans l’administration publique et parapublique. Dans l’administration publique, il s’agit du Statut Général des Fonctionnaires et son ordonnance ministérielle s’application, ainsi que les dispositions propres aux Ministères ayant l’Enseignement, la Justice et l’Intérieur dans leurs attributions. Le Ministère en charge de la Santé Publique constitue l’ une exception à la règle dans la mesure ou il recrute sans référence légale ou réglementaire, sans oublier la loi portant distinction des fonctions politiques des fonctions techniques qui intéresse la nomination aux hautes fonctions techniques et administratifs de l’administration publique et parapublique. S’agissant de l’administration parapublique, l’analyse s’est focalisée sur le Code du Travail, l’Ordonnance Ministérielle portant réorganisation de la mise en relation des demandeurs d’emploi et des employeurs et les textes respectifs qui régissent le recrutement dans les entreprises visitées. Après avoir confronté le cadre légal et réglementaire et la pratique en matière de recrutement, le constant est qu’il y a de grands écarts entre le droit et la réalité. Non seulement la Commission de Recrutement n’est pas la seule à pourvoir l’Administration Publique en ressources humaines comme c’est le cas des Ministères ayant l’Enseignement, la Justice et la Santé dans leurs attributions qui échappent à la règle, mais aussi elle ne fonctionne pas conformément au prescrit de l’ordonnance qui la met en place. Pour ces trois ministères, la raison avancée, mais qui ne prévaut plus aujourd’hui, est que, traditionnellement, ils disposaient de très peu de disponibilités de places par rapport aux demandes d’emploi, mais la situation a été renversée depuis un certain temps. Que ces ministères pourvoient eux-mêmes à leurs besoins en ressources humaines n’est pas en soi une mauvaise chose mais là où le bât blesse c’est que :
  Au Ministère ayant l’Enseignement dans ses attributions, la réglementation en matière de recrutement dont le Ministère s’est doté n’est pas suivie et les structures prévues sont, tantôt non fonctionnelles, tantôt inexistantes.
  Concernant le Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, il existe une réglementation lacunaire qui lui est propre, mais qui n’est pas du tout suivie car les recrutements se font arbitrairement.
  Quant au Ministère ayant la Santé Publique dans ses attributions, il n’y a même pas de texte propre qui régit le recrutement. Le texte portant distinction des fonctions politiques des fonctions techniques il n’est pas du tout appliqué en matière de nomination aux hautes fonctions techniques et administratives pour des raisons non avouées. Dans les communes, il a été heureusement constaté que les textes qui régissent les recrutements sont, non seulement maîtrisés par les administratifs, mais aussi qu’en matière de recrutement, ils sont apparemment respectés. Néanmoins, ces textes méritent d’être revisités pour ce qui concerne les conseillers techniques dont le recrutement revêt un caractère particulier. Quant à l’administration parapublique, force est de constater que le Code du Travail de 1993 est venu consacrer la libéralisation de l’emploi, pendant que le service public de l’emploi qui devait assurer la transparence des recrutements a du même coup disparu. Il est utile de faire constater que chaque entreprise est dotée de textes propres qui régissent les recrutements, mais malheureusement, ces derniers sont peu ou pas respectés par certains responsables. Autrement dit, entre le droit, à travers le dispositif réglementaire régissant les recrutements dans l’administration publique et parapublique, et la réalité, il existe un grand fossé qu’il faut combler. La présente analyse dégage quelques recommandations qui, une fois mises en œuvre, pourraient contribuer à améliorer la situation. En direction de l’administration publique :  Remplacer la commission nationale de recrutement prévue par le Statut Général des Fonctionnaires par une commission tripartite indépendante et paritaire (Gouvernement, Syndicats et Société Civile). En effet, l’actuelle commission est déséquilibrée car elle est dominée par les représentants du gouvernement. La nouvelle commission, de part sa composition, serait plus crédible du fait même de son indépendance.

 Doter cette commission de pouvoirs suffisants lui permettant d’assurer le respect et la mise en œuvre des mécanismes transparents dans les recrutements, comme par exemple le visa obligatoire sur tout acte de recrutement effectif.

 Assurer une publication large des vacances de postes, de telle sorte que tous les citoyens en soient informés.

 Organiser obligatoirement des concours chaque fois que les candidats à un poste ouvert dans l’administration publique et parapublique remplissent les mêmes conditions exigées par une offre d’emploi, dans l’équité et la transparence. Cela permettrait par ailleurs de recruter les meilleurs candidats.  Mettre en place et rendre fonctionnels les Conseils Provinciaux et Communaux de l’Enseignement qui existent et les impliquer davantage dans les procédures de recrutement et les doter d’un pouvoir de décision.

 Compléter et appliquer sans délais les procédures de recrutement prévues par le Statut des Magistrats et le Décret n° 100/178 du 08 décembre 2003 portant création du Centre de Formation Professionnelle de la Justice, pour autant qu’il n’y a pas un organe national en charge du recrutement en faveur de l’administration publique et parapublique.

 Mettre en place un cadre légale régissant les recrutements au Ministère de la Santé Publique pour garantir la transparence ou, à défaut, que la Commission nationale de recrutement en soit saisie au même titre que les autres ministères qui n’ont pas de textes propres régissant le recrutement.

 Appliquer intégralement la Loi n° 100/09 du 17 mai 2005 portant distinction des fonctions politiques des fonctions techniques.

 Publier un texte portant mise en application de la Loi n° 100/09 du 17 mai 2005 portant distinction des fonctions politiques des fonctions techniques. Ce texte viendrait préciser la part des uns et des autres dans le recrutement aux postes concernés.

 Mettre en place un mécanisme de réclamation, de dénonciation et de sanction des cas avérés de manque de transparence. En direction de l’administration parapublique :  Respecter et appliquer le prescrit de la loi portant distinction des fonctions politiques des fonctions techniques, sur base du son texte d’application.

 Prévoir un texte régissant le recrutement et revêtant un caractère obligatoire à l’égard de toutes les administrations parapubliques. Ce texte devrait préciser les procédures à suivre pendant le recrutement et servirait de balise aux recrutements irréguliers.

 Elaborer au niveau de chaque institution un manuel des procédures du recrutement et de la promotion interne des personnels.

 Mettre en place une autorité de régulation indépendante chargée du suivi de la mise en application des dispositions de ce texte. Il est en outre recommandé aux citoyens de faire prévaloir leurs droits auprès de l’institution de l’Ombudsman qui a les compétences de recevoir les plaintes, et à l’institution de se saisir des cas, souvent flagrants d’irrégularité dans les recrutements au sein de l’administration publique et parapublique. Enfin, il est recommandé au Gouvernement d’initier une étude stratégique pour une meilleure adéquation formation-emploi pour éviter de former trop de chômeurs.

 

Copright © Observatoire de l'Action Gouvernementale (OAG)