Des administrateurs communaux non pay ?s se payent eux-m ?mes

jeudi 27 octobre 2011,par Jean Bosco Nzosaba

Les administrateurs communaux élus en mai 2010 au Burundi ne sont toujours pas payés. Pourtant, ils ne semblent pas s’en plaindre, s’arrangeant pour gonfler leurs frais ou soutirer de l’argent à leurs administrés. Des abus difficiles à prouver et qui pèsent sur les budgets communaux. "De quoi vivent les administrateurs communaux qui viennent de passer une année sans salaires ?" Les nombreux fonctionnaires burundais régulièrement rémunérés, mais qui ont du mal à joindre les deux bouts en fin de mois avec leur maigre salaire se posent la question. Une centaine de nouveaux administrateurs élus en mai 2010 par les conseils communaux n’ont encore jamais été payés. "Nous essayons de nous débrouiller tant bien que mal. Et heureusement pour moi que mon mari travaille et que nous vivons dans notre propre maison", répond, sans plus de précisions, une femme administratrice d’une des communes de Bujumbura rural depuis les élections de mai 2010. Frustrée par ce retard de salaire, elle regrette également que les élus n’aient pas de cadre de revendication. "On pourrait penser à une grève par exemple, mais nous n’avons pas de syndicat", ajoute-t-elle ironiquement. Un responsable d’une commune de Gitega, au centre du pays, affirme lui qu’il est prêt à travailler même gratuitement pendant les cinq ans de son mandat ! Il ne donne pas de précisions et se contente de dire qu’ "il faut mériter la confiance de la population qui l’a porté à la tête de sa commune..." Pour lui, le salaire importerait peu, "il faut d’abord servir la population qui l’a élu". Primes et abus Selon le ministère de l’Intérieur, les administrateurs communaux qui touchent des primes variant de 50 000 Fbu (40 $) à 100 000 Fbu (80 $) par mois selon la santé financière de chaque commune, ne sont pas trop à plaindre, car ils les touchent régulièrement en attendant leur salaire d’à peu près 200 000 Fbu (180 $). En réponse à certaines suspicions de détournement d’argent public par ces agents impayés, Evariste Nsabiyumva, secrétaire permanent au ministère de l’Intérieur, affirme qu’il n’y a pas moyen que les administrateurs puisent illégalement dans les caisses de la commune puisque tout le conseil communal (15 membres) garde un oil vigilant sur le fonctionnement de la commune. ’Une bonne gestion oui, mais certains de ces responsables qui viennent de passer une année sans salaire peuvent suivre la sentence qui dit que +la chèvre broute là où elle est attachée+, estime un haut cadre du département des finances communales. Pour lui, des abus, difficilement vérifiables, sont commis tels que : surestimation des frais de communication, organisation de fêtes et de nombreuses descentes ou sorties afin d’obtenir plus de frais de mission, et enfin remise en vigueur des frais de pacification qui avaient été payés pendant plus d’une décennie de guerre civile pour organiser des réunions dans les collines. Il n’est pas rare aussi de trouver un administrateur communal qui participe à deux ou trois sessions de formation le même jour, pour engranger le maximum de frais de déplacement et de per diem. Arriérés de paiements et de salaire Certains chiffres sont des indicateurs de ces abus : arriérés de salaire du personnel et retards de paiement des cotisations à l’Inss (Institut national pour la sécurité sociale), des factures d’eau et d’électricité, mais aussi manque de réalisations d’intérêt public telles que la construction d’écoles et de centres de santé. La moyenne des recettes communales en province de Cibitoke (au nord-ouest du pays) est de plus d’un million de francs burundais par mois. Pourtant, l’ensemble des communes de cette province accusait de très gros arriérés de cotisation pour son personnel à l’Inss, récemment épongés en grande partie par la Coopération technique belge qui a payé plus de 60 000 ? (100 millions de FBu) sur plus de 130 millions de Fbu de dette. Ce non-paiement des administrateurs a aussi des répercussions sur d’autres dossiers à traiter et ouvre la porte à diverses formes de corruption. "J’ai payé 20 000 Fbu (18 $) à un intermédiaire pour faire signer une attestation de composition familiale. L’administrateur me disait d’attendre une semaine, le temps d’écouler d’autres dossiers, mais dès que j’ai donné cette somme à un de ses proches de la même commune, j’ai eu le document en 30 minutes", affirme un habitant de Bujumbura. Un autre commerçant de bois en province Gitega (au centre du pays) affirme qu’il a ainsi versé 50 000 Fbu d’amende verbale à un administrateur actuellement en fonction qui le menaçait de lui en demander le double s’il voulait un reçu.

Syfia Grands Lacs

 

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