Zone EAC : l’int ?gration du Burundi reste un d ?fi et une opportunit ?

lundi 29 novembre 2010,par Jean Bosco Nzosaba

De l’avis de l’ancien vice-président burundais Mathias Sinamenye, l’intégration du Burundi à l’East African Community (EAC) est un défi et une opportunité. Lors d’une conférence de presse qu’il a animée le 27 novembre à Bujumbura, cet ancien vice-président du Burundi et actuel administrateur à l’Interbank Burundi a éclairé l’opinion sur les dessous de cet engagement. Pour lui, l‘intégration du Burundi dans cet ensemble régional qu’est l’EAC présente certes des avantages, mais il serait naïf de penser qu’elle ne présente que des avantages. L’intégration économique régionale permet notamment un élargissement des marchés avec comme conséquences un accroissement des échanges résultant de la libéralisation intra-zone , l’exploitation des économies d’échelle, un retour sur investissement plus élevé dans un climat de compétition accrue, des flux d’investissements directs étrangers plus importants attirés par cet agrandissement des marchés. Elle permet en outre un accroissement du pouvoir de négociation des membres, une gestion plus coordonnée et plus efficace des infrastructures et des biens publics comme le changement climatique ou les épidémies, une plus grande résistance aux chocs exogènes comme la détérioration des termes de l’échange, les conflits, le protectionnisme, une plus grande latitude de réformer aussi bien dans le domaine politique qu’économique, ainsi qu’une amélioration de la sécurité dans la zone, les risques de conflit étant atténués et en cas d’occurrence, il y a un cadre de concertation et de règlement. Au chapitre des inconvénients, Mathias Sinamenye indique qu’elle occasionne notamment la déviation du commerce, la perte de revenus douaniers et fiscaux et des coûts indirects découlant de la libéralisation des échanges comme le risque de disparition des secteurs économiques concurrencés, le chômage, la fuite des capitaux et les crimes transfrontaliers.

Contrairement à ce que l’on observe ailleurs, la négociation du TEC ne semble pas avoir soulevé de grandes polémiques, un fait difficile à interpréter car habituellement le TEC est un point de conflit potentiel majeur. Chaque pays essayant de décrocher un tarif commun élevé pour ses secteurs vendant à l’intérieur de l’Union Douanière (UD) et un tarif bas pour les produits qu’il importe et continuera d’importer. Si l’EAC a avancé rapidement jusqu’ici sans conflit ni tension apparents, cela ne doit pas faire croire que l’EAC manque de défis. Cela devrait même inquiéter car on pourrait croire que certains Etats n’ont pas négocié sérieusement et que tôt ou tard les problèmes apparaîtront quand la concurrence commencera à produire ses effets sur l’économie (fermetures d’entreprises, chômage lié à l’EAC).

Par ailleurs, les niveaux de développement de départ des pays membres sont si différents et les mécanismes de compensation et d’appui aux plus arriérés si vagues que les conflits potentiels semblent considérables. Les pays de l’EAC, sont concurrents sur les marchés extérieurs et sur les marchés régionaux. Leurs économies sont similaires et donc peu complémentaires. Quand on observe les échanges intra-EAC on note qu’en 2007, ils étaient modestes par rapport à l’ensemble de leurs échanges et représentaient une faible part de leur PIB. La situation du Burundi reste dramatiquement marginale quel que soit l’angle d’observation. Le Burundi est en déficit avec tous les membres de la l’EAC à l’exception du Rwanda. Avec 6,6% de la population de l’EAC, son produit intérieur brut (PIB) n’est que de 1,8% du PIB de la l’EAC et sa croissance a été la plus lente ces dernières années. La base de production industrielle du Burundi est très étroite et non diversifiée. Son agriculture est une agriculture de subsistance à laquelle s’est greffée deux cultures d’exportation. Pour l’instant il n’y a aucune mine en production malgré quelques découvertes qui sont dites intéressantes. Deux produits, le café et le thé font plus de 70% des exportations, les autres exportations étant les boissons, et le sucre, au moment où les importations sont plus diversifiées. La direction des échanges montre que le Burundi importe pour 20 à 30% du total de ses importations de la l’EAC mais exporte pour environ 10 % vers l’EAC. De plus, en valeur absolue, le Burundi représente un poids bien modeste : 85 millions de $ d’échanges (dont 5,3 millions d’exportations) dans la l’EAC contre 1.144 millions pour le Kenya en 2007. L’appartenance du Burundi à la l’EAC risque d’être défavorable parce qu’étant essentiellement importateur, il va subir une déviation de commerce importante, un coût excédentaire sur ces importations communautaires et une perte de recettes douanières. En plus du handicap commercial, le Burundi doit relever beaucoup d’autres défis. D’après le professeur Mathias Sinamenye, si l’on part du postulat que rester à l’écart de l’intégration régionale n’est pas une option pour le Burundi, il est essentiel qu’il examine attentivement comment tirer profit de son appartenance à la l’EAC. Une étude menée par Dr. Eric Mabushi sur la participation du Burundi dans la CAE, a soulevé une série de questions stratégiques que le Burundi doit résoudre pour se donner une chance. Il s’agit de l’obstacle linguistique, l’absence de vision stratégique doublée d’une faible coordination, la faiblesse des ressources humaines et financières affectées au processus d’intégration, l’enclavement et la médiocrité des infrastructures y compris l’énergie, la faible gouvernance politique et économique rendant le climat d’investissement peu incitatif .

 

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