Emprisonnement du directeur de NetPress : les journalistes africains s’indignent

mercredi 15 septembre 2010,par Jean Bosco Nzosaba

A Son Excellence Pierre NKURUNZIZA

Président de la République du Burundi

Bujumbura

Excellence Monsieur le Président,

La Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) et la Fédération Africaine des Journalistes (FAJ), l’organisation régionale africaine de la FIJ, ont appris avec consternation le maintien en détention du journaliste burundais Jean Claude KAVUMBAGU, Directeur de l’agence Netpress, arrêté le 17 juillet 2010 et accusé de trahison.

C’est la raison pour laquelle nous souhaiterions vous exprimer notre profonde inquiétude sur cette détention consécutive à la publication, le 12 juillet 2010, d’un article sur la capacité des forces de l’ordre à faire face aux menaces terroristes d’Al Shabaab après les attentats de Kampala.

Notre confrère a été accusé de trahison, faisant peser sur lui le risque d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. En effet, le Ministère public qualifie ainsi l’infraction en se référant à l’article 570 du Code Pénal, qui n’est applicable qu’en temps de guerre. C’est pourquoi, la décision de détenir le journaliste est irrégulière parce qu’au regard de la loi on ne peut maintenir quelqu’un en détention que s’il porte atteinte à l’ordre public. Or, depuis la publication de cet article, aucun fait n’a été signalé pour prouver cette inquiétude. En plus, le motif de « protection  » évoqué par le Ministère public pour le garder en détention préventive demeure peu convaincant du moment que personne parmi tous ceux qui sont sous la protection des pouvoirs publics n’est en prison. Quant au motif de maintenir notre confrère à la disposition de la justice, le Ministère public n’a pas prouvé, au cours de l’audience du 1er septembre 2010, de quelque manière que ce soit que notre confrère a refusé de répondre à une seule convocation, malgré les multiples tracasseries qu’il a subies auparavant de la part des autorités judiciaires. Excellence Monsieur le Président, la Fédération Internationale des Journalistes et la Fédération Africaine des Journalistes considèrent que cette arrestation constitue une violation des droits des journalistes et représente un réel motif d’inquiétude et de préoccupation pour la communauté des journalistes en général et des collègues journalistes burundais en particulier. De surcroît, le Gouvernement du Burundi est tenu de respecter la liberté d’expression et d’opinion garanties par la constitution et les instruments internationaux qu’il a signés et ratifiés. Il s’agit notamment de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, du Pacte International sur les Droits civils et politiques, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et surtout la Déclaration de Principes sur la Liberté d’expression en Afrique qui stipule en son point II « qu’aucun individu ne doit faire l’objet d’une ingérence arbitraire à sa liberté d’expression  » « Toute restriction à la liberté d’expression doit être imposée par la loi, servir un objectif légitime et être nécessaire dans une société démocratique  ». C’est pourquoi, la FIJ et la FAJ, sont persuadées que la détention illégale de Jean Claude Kavumbagu est une atteinte grave aux droits fondamentaux des journalistes et des citoyens du Burundi. Selon des informations fournies par l’Union Burundaise des Journalistes (UBJ) affilié à la FAJ et à la FIJ, le Tribunal de grande instance de Bujumbura, en sa séance du 06 septembre 2010 a rendu une décision, après les délais fixés par la loi, confirmant le maintien en détention provisoire de notre collègue et aucune date n’a été fixée par le juge pour examiner l’affaire. Au moment où la liberté d’expression et la liberté d’opinion deviennent de plus en plus une aspiration forte des populations du continent africain en vue d’asseoir des démocraties solidement ancrées, il nous paraîtrait déplorable et inapproprié de cibler un journaliste dont le seul tort aura été d’avoir donné son point de vue sur une question d’intérêt public. C’est pourquoi, nous nous en référons à votre Excellence, pour user de votre influence pour que notre collègue réponde de ses actes en étant en liberté et qu’il bénéficie d’un procès juste et équitable et qu’il puisse bénéficier pleinement de son droit légitime à être défendu conformément aux normes nationales, régionales et internationales. Comme nous l’avons constaté dans notre dernier rapport sur la liberté de la presse en Afrique, les périodes électorales ont presque partout été des moments difficiles de cohabitation entre les pouvoirs politiques et les médias. Etant donné que votre pays vient d’en traverser une durant laquelle ces rapports ont été sans faille (comme cela ressort de votre discours à la nation dernièrement), nous saisissons cette occasion pour lancer un appel solennel pour l’ouverture d’un dialogue direct avec les acteurs des médias pour apporter une plus grande sérénité dans vos rapports avec eux. Avec l’espoir que vous userez de votre autorité pour faire libérer notre collègue, faire respecter les droits constitutionnels des journalistes et promouvoir une justice équitable qui dépénalise les délits de presse à l’endroit de professionnels des médias, nous vous prions de bien vouloir agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Omar Faruk Osman Jim Boumelha

Président de la FAJ Président de la FIJ

 

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