Burundi : la soci ?t ? civile ne se laisse pas intimider

vendredi 30 juillet 2010,par Jean Bosco Nzosaba

Burundi : la société civile ne se laisse pas intimider

Au Burundi, les acteurs associatifs refusent de céder aux menaces visant à les faire taire. Soutenus par la communauté internationale et travaillant en réseaux, ils semblent plus que jamais déterminés à réclamer vérité et justice sociale.

"Si seulement je pouvais passer une semaine sans appel téléphonique : ce serait un bon répit pour moi… J’en reçois une centaine par jour au moins. Parmi eux, ceux, anonymes, qui veulent m’intimider", confie Pierre Claver Mbonimpa, président de l’APRODH (Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues). Au Burundi, depuis plus d’un an, les menaces de mort contre les défenseurs des droits de l’Homme se sont multipliées. Des menaces qui viendraient de politiciens et de responsables de la sécurité mêlés à certaines affaires. Le vice-président de l’OLUCOME (Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques), Prudence Bararunyeretse, affirme à ce sujet que "jusqu’à aujourd’hui ces menaces continuent" et que "tout le monde est visé." Les élections ont considérablement tendu les relations entre le pouvoir et la société civile. Début 2010, les associations, qui tenaient absolument que, à cette occasion, le débat soit contradictoire, ont souligné dans une déclaration commune, que "la volonté politique de faire taire les organisations citoyennes" se renforçait. Sur ce terrain, même des organisations internationales n’ont pas été épargnées ces derniers temps. La représentante de Human Rights Watch, Neela Ghoshal, a ainsi été expulsée du Burundi fin mai.

Assassinats et intimidations

Les défenseurs des droits de l’Homme traversent sans doute un des pires moments de leur combat en raison de leur insistance à réclamer la vérité sur de grands dossiers d’atteinte aux droits de l’Homme comme l’assassinat, en avril 2009, d’Ernest Manirumva, alors vice-président de l’OLUCOME, ou celui de Salvator Nsabiriho, en octobre 2009. Les auteurs anonymes qui menacent les défenseurs des droits de l’Homme leur conseillent de se taire s’ils ne veulent pas mourir à leur tour. Les associations demandent au gouvernement d’assurer leur sécurité. Elles dénoncent également, via les médias, des actes d’intimidation directe ou indirecte, notamment de la part de la police ou du Parquet, convocations par des magistrats par exemple. Leurs membres se disent aussi stigmatisés par des autorités qui les accusent publiquement de faire le jeu de l’opposition. Autant de menaces qui visent, selon elles, à les emmurer dans l’inaction. Certaines de ces intimidations sont tellement sérieuses que la société civile conseille à certains de ses membres de se mettre à l’abri quelque temps. "Nous organisons des missions à l’étranger pour des compagnons qui n’en peuvent plus à cause d’insistantes pressions", explique Pierre Claver Mbonimpa. Le président du Forum pour le renforcement de la société civile et celui de l’OLUCOME en ont bénéficié. Quant au directeur du journal Aube de la démocratie, il prolonge ses "vacances" après avoir, fin avril dernier, pris le large. Il avait mentionné dans un article les noms de hauts gradés de la police nationale qui seraient impliqués dans le meurtre d’Ernest Manirumva.

"Nous ne pouvons pas reculer"

Pas de quoi, cependant, faire machine arrière pour les associations… "Nous sommes très avancés sur le terrain de la défense des droits de l’Homme et nous ne pouvons pas reculer face à des actes d’intimidation", affirme Pierre Claver Mbonimpa. Pour lui et pour bien d’autres, le combat vise à construire une société autour des valeurs d’intégrité et de justice sociale. Pour plus de solidarité et de force, les associations travaillent en réseaux et organisent des réunions avec des officiels du gouvernement pour expliquer le bien-fondé de leurs actions. Elles s’appuient, enfin, sur la communauté internationale, qui fait efficacement pression sur le gouvernement, car elle est pourvoyeuse de plus de la moitié du budget burundais. La présence à Bujumbura, le 14 juillet, des ambassadeurs des États-Unis, de Belgique et d’Allemagne, à la première séance du procès des présumés assassins d’Ernest Manirumva, est un signe fort d’appui à l’action de la société civile. Les intimidateurs sont parfois obligés de reculer. Exemples : la réhabilitation début décembre 2009 d’un des collectifs de la société civile moins d’un mois après sa suspension par le ministère de l’Intérieur et le jugement suivi de l’emprisonnement, en octobre 2008, des assassins de 30 personnes à Muyinga en 2006. Alertée par des habitants de cette province située au nord du Burundi, la société civile s’était mobilisée pour réclamer que les auteurs de ces massacres soient punis. Forte de ces premiers résultats, la société civile semble décidée à maintenir le cap, surtout en période électorale propice à la violation des libertés.

Jacques Bukuru, in Syfia Grands Lacs

 

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